22 Février 2019
Les Inuit du Nunavik, entre eux, parlent leur langue, l’inuktitut et avec les non-Inuit, l’anglais. C’est donc d’un Festin pour les aînées que le personnel de la Maison de la famille a préparé pour fêter la Saint-Valentin. J’ai écrit «ainées» car, hormis monsieur le maire, aucun homme n’était présent. Les activités sont ici très «genrées», comme on dit maintenant…
Ma modeste contribution a consisté à plumer des perdrix blanches et à débiter une épaule de caribou que les femmes découpaient ensuite en morceaux avec leur ulu (outil réservé aux femmes, et utilisé notamment pour nettoyer les peaux de toute trace de viande, avant le tannage ou le séchage). Caribou préparé en ragoût avec carottes et pommes de terres. Les perdrix étant dégustées soit crues, soit bouillies. Poissons blancs figuraient au menu, ainsi qu’une énorme dinde farcie, et des salades composées, le tout accompagné de la bannick, le pain ancestral. Mixte donc entre «country food» et plats occidentaux.
Occasion pour moi de goûter du gras de béluga cru, qu’à maintes reprises dans mes lectures sur les modes de vie inuites, était mentionné comme indispensable pour lutter contre le froid.
Belle tablée de 25 personnes ; toutefois, une elder, sa fille et petite fille ont tiré un carton à terre pour prendre assis leur repas, maintenant ainsi la tradition encore fréquente aujourd’hui lors des repas communautaires de consommer à table les plats contemporains (post-colonisation) et par terre les mets traditionnels. Pas de service fait à table, chacun venant se servir, et remplissant son assiette d’un peu de viande, de poisson, de légumes et de desserts… Relativement peu d’échanges pendant les repas qui ne s’éternisent pas.
Ayant été annoncés à la radio communautaire, les restes copieux du festin ont vite été emportés par des habitants du village. L’insécurité alimentaire est encore présente dans les villages du Nunavik.
La travailleuse sociale communautaire de la Maison de la famille est attachée à ce que les rencontres entre elders ne soient pas réduites aux seules prises de repas, mais soient aussi des occasions de développer de la convivialité et du plaisir à être ensemble. Elle prépare donc à chaque fois des activités diverses.
Saint-Valentin oblige… elle proposa d’écrire, de dessiner, de peindre sur un feuillet plié un message d’amour, ses deux collègues inuites assurant la traduction de l’anglais en inuktitut car les aînées ne parlent pas nécessairement l’anglais. Immédiatement, toutes les femmes ou presque ont embarqué, ou plutôt se sont allongées sur les tapis de sol qui avaient étalés et se sont mises avec un plaisir palpable à l’activité proposée. J’ai toujours été étonné de la capacité des femmes inuites à jaser, tricoter, faire du «beading» - perlage, coudre des mitaines, etc., en restant allongées des temps à mes yeux, ou plutôt à mes lombaires interminables !
Chacune fut invitée à présenter sa réalisation et à lire son message… je n’en ai bien entendu saisi que le plaisir pris par les récitantes et par leur public. Les textes récoltés devant être tirés au sort ensuite, chacune repartant avec un message d’amour. Une exception fut faite pour une elder qui réclama mon carton découpé en forme de cœur (on la voit sur une des photos). Pas difficile quelquefois de faire plaisir…
D’autres jeux, créant de l’émulation et de la compétitivité amicales, furent ensuite proposés, déjà connus mais toujours très appréciés si j’en juge par les rires qui ont émaillé tout les reste de l’après-midi.
Nul doute que les elders ont passé un bel après-midi, en toute sécurité.
PS : des problèmes avec l'internet empêchent la compression des photos qui illustrent cette publication sur mon blog. Vous pouvez les visionner sur ma page facebook, en cliquant sur ce lien https://www.facebook.com/Mon-voyage-au-Nunavik-territoire-des-Inuit-1945352925720356/